Théodore de Bèze (1998) - 1554 / 1556 / Genève, 1562
1. Exauce, ô mon Dieu, ma prière,
N’oppose pas une barrière
Au suppliant qui se présente.
Ecoute-moi, exauce-moi,
Tandis qu’en priant devant Toi,
Je m’agite et je me tourmente.
2. Jʼentends les cruelles menaces
Des ennemis qui me pourchassent ;Ils versent sur moi leurs outrages,
Car ces gens nʼont rien respecté,
Ils mʼont toujours persécuté,
Leur coeur est enflammé de rage.
3. Au-dedans, mon pauvre coeur tremble,
Et les frayeurs de mort ensemble
Viennent sur moi pour me détruire.
Je suis saisi de tremblement,
Recouvert dʼépouvantement,
Et contraint à la fin de dire :
4. Ah ! qui me donnera des ailes,
Comme aux craintives colombelles,
Afin de mʼenvoler bien vite
Et me reposer ? Car voilà
Jusquʼaux déserts, et par-delà
Je mʼen irai faire mon gîte.
5. Je pourrais gagner de vitesse
Ce mauvais vent qui nous oppresse
Et la tempête quʼil déchaîne.
Seigneur, divise ces pervers,
Brouille leurs langages divers :
Chez eux je nʼai vu que la haine.
6. Jour et nuit, violences et querelles
Font le tour de leur citadelle,
Tout est ruiné par leur furie.
La fraude et la méchanceté
Trônent partout dans la cité
Et font règner la tromperie.
7. Jamais celui qui me diffame
Nʼavait montré ce coeur infâme,
Jʼavais prévu dʼautres offenses !
Celui qui sʼélève sur moi
Nʼavait pas de haine autrefois,
Jʼaurais préparé ma défense !
8. Mais tu me fais ce mal extrême,
Toi que jʼaimais comme moi-même
Et que je citais en exemple !
Avec plaisir nous échangions
Tous nos secrets, et nous allions
Dʼun même pas jusquʼau saint temple.
9. Que la mort les happe et les serre,
Quʼils descendent vivants en terre !
Car, hélas, toute violence
A pris domicile chez eux.
Mais moi, jʼinvoquerai mon Dieu,
Et mon Dieu sera ma défense.
10. Au début de chaque journée,
A son milieu, puis en soirée,
Je lui dis toutes mes alarmes.
Il est mon salut et ma paix,
Jʼéchappe à ce monde mauvais,
Dieu fait cesser le bruit des armes.
11. Dieu mʼentendra, Lui, lʼImmuable
Dont lʼempire est toujours durable ;
Il punira leurs maléfices,
Car rien ne change dans leur coeur,
Ils se moquent bien du Seigneur
Et sont obstinés dans leurs vices.
12. La main quʼon prétendait nous tendre
Se retourne et voudrait nous prendre,
Violant cette amitié jurée.
Le méchant fait des compliments
Plus mous que beurre, nous cachant
La guerre en son coeur allumée.
13. Sa parole est douce et glissante
Comme lʼhuile, et pourtant perçante
Ainsi quʼune pointe affilée.
Remets tout à Dieu : il viendra
Te soutenir ; Il ne veut pas
Que la justice soit foulée.
14. Cʼest Toi, grand Dieu, dont la justice
Fait tomber dans le précipice
Ceux qui sʼéloignent de ta face :
Ces hommes de ruse et de sang
Sʼéteignent prématurément,
Mais, moi, je compte sur ta grâce.
Psautier de Genève (1998)
Les Psaumes de David. Clément Marot. Adaptation en français actuel par Marc-François Gonin. ISBN 2-911069-29-3. Éditions VIDA. 1998. Reproduit avec permission.