Psaume 22. Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu laissé

Prophétie de Jésus-Christ. Son abaissement jusqu’à la mort de la croix, sa glorification, l’étendue de son royaume jusqu’aux extrémités de la terre, et la durée perpétuelle de celui-ci.

Clément Marot (1998) - Genève, 1551


1. Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu laissé
Sans ton secours, quand je suis oppressé,
Loin de ta face, hélas, quand j’ai poussé
Ma triste plainte ?
Le jour, ô Dieu, je t’invoque avec crainte,
Sans qu’à mes cris réponde ta voix sainte ;
me la nuit, je gémis sous l’étreinte
De la douleur.

2. Tu es pourtant le Saint et la splendeur
QuʼIsraël loue, et qui fais son bonheur.
Il te plut là quʼon chantât ton honneur,
Ta gloire immense.
Nos pères ont en Toi eu confiance,
Ils ont sur Toi fondé leur assurance,
Et tu leur as donné la délivrance
Par ta bonté.

3. Ils imploraient, leur fardeau fut ôté ;
Ils espéraient en ta fidélité,
Ils ont reçu, loin dʼêtre rebutés,
Ta grâce prompte.
Et moi, je suis un ver que tout surmonte,
Bien moins quʼun homme, et des hommes la honte ;
Le peuple croit tout ce quʼon lui raconte
Sur moi déjà.

4. Quiconque voit à quel point tu mʼabats
Vient se moquer et ne sʼen cache pas ;
Ils font la moue et, de haut et de bas,
Hochent la tête.
« Ah ! disent-ils, il cherche sa retraite
Auprès de Dieu, il lui fait sa requête ;
Que Dieu lui donne une santé parfaite
Sʼil lʼaime tant ! »

5. Tu mʼas tiré de ma mère pourtant,
Et mʼas rempli dʼespoir en me mettant
Sur sa poitrine ; ainsi jʼeus à lʼinstant
Une nourrice.
Je vis le jour ; ta sainte main tutrice
Me recueillit, sortant de la matrice ;
Tu me prouvas être mon Dieu propice
Quand je suis né.

6. Ne te tiens pas de moi si éloigné
Quand le péril de si près mʼa cerné,
Sans que personne ait voulu me donner
Secours ou grâce.
De forts taureaux mʼentourent et menacent ;
Taureaux puissants de Basan, terre grasse,
Pour mʼassiéger mʼont suivi à la trace
En me pressant.

7. Ils rôdent comme un lion menaçant
Après sa proie en fureur rugissant,
Gueule sur moi sans abri languissant
Ouverte toute.
Je suis pareil au tissu quʼon égoutte ;
Mes membres ont leurs jointures dissoutes ;
Comme la cire en moi fond goutte à goutte
Mon coeur fâché.

8. Mon corps comme la tuile est asséché ;
Jʼai le palais à la langue attaché ;
Proche est la tombe où tu veux me coucher,
duit en cendre.
jà les chiens mʼencerclent pour me prendre,
Des criminels je ne peux me défendre
Ils sont venus pour transpercer, pour fendre
Mes pieds, mes mains.

9. Je peux compter mes os secs et malsains
Au grand plaisir des cruels inhumains
Qui nʼont pour moi que des regards hautains,
Et des critiques.
Soldant mon bien sur la place publique,
Ils se sont dit : reste encor la tunique ; *
Jetons les dés, que le sort nous indique.
Qui donc lʼaura.

10. Mais Toi, Seigneur, Toi, ne tʼéloigne pas,
Tu es ma force et ton secours viendra.
Oui, viens encor me prendre entre tes bras *
Qui me rassurent.
fends mon âme en ces heures si dures
Contre lʼépée et toutes ses blessures,
Contre le chien, les griffes, les morsures
De lʼenragé.

11. Toi qui peux seul répondre à lʼaffligé,
livre-moi, reviens me protéger ;
Buffles, lions me tiennent assiégé,
tes cruelles.
Jʼannoncerai à mes frères fidèles
Ton Nom très haut, tes vertus immortelles
Dans lʼassemblée où ta louange est belle,
Parlant ainsi :

12. Vous tous croyants, louez donc Dieu ici,
Fils de Jacob, louez son nom aussi ;
Vous tous, enfants dʼIsraël, donnez-lui
Votre âme entière.
Car il entend lʼhomme dans la misère
Et, lʼéclairant de sa vive lumière,
Il a montré sa bonté singulière
En sa faveur.

13. Devant ton bon peuple amassé, Seigneur,
Jʼirai chanter un hymne en ton honneur
Et mʼacquitter des voeux que fit mon coeur
Dans la détresse
Le pauvre vient manger avec largesse
Et, cherchant Dieu, le bénira sans cesse ;
Vous qui nʼavez dʼespoir quʼen sa promesse,
Vos coeurs vivront.

14. En y pensant, tous se convertiront,
Ils reviendront à Dieu, le serviront,
De tous pays il se prosterneront,
En ta présence
Car ils sauront quʼà ta Divine essence
Seule appartient règne et magnificence.
Tu es des coeurs humains par excellence
Vrai conquérant.

15. Avec le riche et les gens de haut rang,
On pourra voir le malade accourant ;
Tous les mortels qui sans Toi sont néant
Te rendront gloire.
Puis leurs enfants prêt à servir, à croire
Sʼinclineront, et en tout territoire
De père en fils il sera fait mémoire
Du Tout-Puissant.

16. Dans ce royaume à jamais florissant
On viendra dire à chaque enfant naissant
Ce que Dieu fit pour l’homme en agissant
Dans son histoire.

Psautier de Genève (1998)

* encor : encore (édition originale)


Les Psaumes de David. Clément Marot. Adaptation en français actuel par Marc-François Gonin. ISBN 2-911069-29-3. Éditions VIDA. 1998. Reproduit avec permission.