1. Ne veuille pas, ô Sire,
Me reprendre en ton ire,
Moi qui t’ai irrité;
N’en ta fureur terrible
Me punir de l’horrible
Tourment qu’ai mérité;
2. Ains, Seigneur, viens étendre
Sur moi ta pitié tendre,
Car malade me sens.
Santé donques me donne;
Car mon grand mal étonne
Tous mes os et mes sens.
3. Et mon esprit se trouble
Grandement, et au double,
En extrême souci;
Ô Seigneur plein de grâce,
Jusques à quand sera-ce
Que me lairras ainsi?
4. Hélas, Sire, retourne
D’entour de moi détourne
Ce merveilleux émoi;
Certes grande est ma faute,
Mais, par ta bonté haute,
Je te pri’ sauve-moi.
5. Car en la mort cruelle
Il n’est de toi nouvelle,
Mémoire ni renom.
Qui penses-tu qui die,
Qui loue et psalmodie
En la fosse ton Nom ?
PAUSE
6. Toute nuit tant travaille,
Que lit, châlit et paille
En pleurs je fais noyer;
Et en eau goutte à goutte
S’en va ma couche toute,
Par si fort larmoyer.
7. Mon œil pleurant sans cesse,
De dépit et détresse
En un grand trouble est mis;
Il est envieilli d’ire,
De voir entour moi rire
Mes plus grands ennemis.
8. Sus, sus, arrière iniques,
Délogez tyranniques,
De moi tous à la fois;
Car le Dieu débonnaire,
De ma plainte ordinaire
A bien ouï la voix.
9. Le Seigneur en arrière
N’a point mis ma prière,
Exaucé m’a des cieux;
Reçu a ma demande,
Et ce que lui demande
Accordé m’a, et mieux.
10. Donques honteux deviennent,
Et pour vaincus se tiennent
Mes adversaires tous;
Que chacun d’eux s’élongne
Subit en grand’ vergongne,
Puisque Dieu m’est si doux.
ains : mais (str. 2)
donques : donc (str. 2)
lairras : laisseras, v. laisser (str. 3)
die : dise (str. 5)
sus : interjection utilisée pour exhorter (str. 8)
s’élongne : s’éloigne (str. 10)
vergongne : vergogne (str. 10)
Psautier de Genève (1562)