Psaume 38. Dieu tout-puissant, ne châtie

Prière d’un grand malade. Il crie dans sa souffrance, abandonné de ses amis, entouré de méchanceté et il implore l’aide de son Dieu.

Clément Marot (1998) – Strasbourg, Genève, 1542 / Genève, 1551


1. Dieu tout-puissant, ne châtie
Pas ma vie
Dans ton indignation ;
Retiens ta juste colère,
Et modère
Un peu ma punition.

2. Car tes flèches décochées
Sont clouées
Bien fort en moi, sans mentir ;
Il a fallu que jʼendure
Ta main dure,
Tu voulus lʼappesantir.

3. Je nʼai plus ni chair ni veine
Qui soit saine,
Je paye le mal commis,
Et mes os qui sʼatrophient
Se carient,
Châtiment que je subis.

4. Car les peines de mes fautes
Sont si hautes
Que je mʼen vois submergé ;
Le poids trop insupportable
Qui mʼaccable
Va me faire succomber.

5. De mes lésions purulents
Et qui sentent,
Il sort un sang corrompu,
Hélas, cʼest de ma folie
Quʼest sortie
Lʼinfection de ce pus.

6. Le mal qui me fait la guerre
Vers la terre
Mʼa courtotalement ;
Avec triste et noire mine
Je chemine
Tout en pleurs journellement.

7. Un feu dévore mes aines
Qui sont pleines
Du mal qui mʼa tourmenté,
Car la source de ma vie
Est tarie
Sans retour à la santé.

8. Mon corps qui fut si habile
Est bile,
Tremblant des pieds et des mains,
Et, dans la douleur si forte
Quʼil supporte,
Jette des cris inhumains.

9. Mais tu sais pourquoi je prie
Et je crie,
Tu connais le fond des coeurs ;
Le soupir de ma pensée
Transpercée
Ne peut tʼéchapper, Seigneur.

10. Mon coeur déréglé sʼagite,
Il palpite
Et mes forces mʼont trahi ;
Je ne vois plus la lumière
Coutumière
Tant mes yeux sont affaiblis.

11. Les plus grands amis que jʼaie
Voient ma plaie,
Ne lui portant pas grand soin ;
Et, sans faire de reproches,
Mes plus proches
Sʼy intéressant de loin.

12. Les uns à ma mort sʼattendent,
Et me tendent
Des pièges dans mon malheur ;
Dʼautres disent milles choses
Quʼils supposent,
En salissant mon honneur.

13. Jʼai lʼair de nʼentendre goutte,
Et jʼécoute ;
Leur coeur peut se découvrir,
Je suis là comme une souche,
Et ma bouche
Muette ne peut sʼouvrir.

14. Je suis devenu en somme
Comme un homme
Qui nʼentend vraiment plus rien,
Et qui nʼa quand on le pique,
Pour plique
Pas un mot qui tombe bien.

15. Mais je garde lʼespérance,
Lʼassurance
De ton secours, je lʼattends ;
Cʼest en Toi, mon Dieu, mon Père,
Que jʼespère,
Tu me répondras à temps.

16. De peur (cʼest pourquoi je prie)
Quʼon ne rie
De mon malheureux émoi ;
Sitôt que le pied me glisse,
Leur malice
Fait quʼils triomphent de moi.

17. Viens donc à moi ; sur la route
Je redoute
De boiter honteusement,
Tant cette grande détresse
Qui mʼoppresse
Me poursuit incessamment.

18. Hélas, en moi avec honte
Je raconte
Mon trop inique forfait ;
Je rêve et je me tourmente,
Me lamente
Pour le péché que jʼai fait.

19. Tandis que mes adversaires
Au contraire
Sont vifs et fortifiés,
Les gens pleins (sans cause aucune)
De rancune
Semblent se multiplier.

20. Ils forment toute une bande,
Et me rendent
Pour le bien lʼiniquité,
Et la source très certaine
De leur haine
Cʼest que jʼaime lʼéquité.

21. Mon Dieu, je nʼai plus personne,
Nʼabandonne
Pas ton humble serviteur ;
Jʼai pour unique espérance
Ta présence,
Ne tʼéloigne pas, Seigneur.

22. Au secours ! car je tʼappelle,
Dieu fidèle,
Par pitié ne tarde plus.
Toute force humaine cède ;
Ma seule aide
Cʼest Toi, Dieu de mon salut.

Psautier de Genève (1998)


Les Psaumes de David. Clément Marot. Adaptation en français actuel par Marc-François Gonin. ISBN 2-911069-29-3. Éditions VIDA. 1998. Reproduit avec permission.