Psaume 39. Je m’étais dit : je veillerai de près

Exemple singulier du combat d’un cœur fidèle contre le désespoir et l’impatience.

Théodore de Bèze (1998) – Genève, 1551


1.  Je m’étais dit : je veillerai de près
A ma conduite désormais.
Je ne veux pas dire un mot de travers
En face de l’homme pervers.
Et, s’il le faut, j’aime mieux bâillonner
Ma bouche plutôt que parler.

2. Je me suis tu. Plus un seul mot sur rien,
Ni sur le mal ni sur le bien.
Mais je nʼai fait quʼaugmenter ma douleur,
Cʼétait comme un feu dans mon coeur ;
Plus je pensais, et plus jʼétais brûlé,
Alors il mʼa fallu parler :

3. O Eternel, révèle-moi ma fin
Et le temps qui me reste, afin
Dʼen apprécier plus sagement le cours.
Voici, tu mʼas taillé des jours
De la largeur de la main ; tout mon temps
Devant le tien nʼest quʼun instant.

4. Lʼhomme, il est vrai, nʼest rien que vani
Apparence et fragilité,
Et comme un ombre il passe en sʼeffaçant.
Il court toujours après le vent,
En amassant des trésors sans savoir
Quel héritier doit les avoir.

5. Quʼattends-je donc, ô Seigneur, et en quoi
Puis-je espérer, sinon en Toi ?
livre-moi du mal que jʼai commis ;
Préserve-moi dʼêtre soumis
Aux quolibets des insensés, contents
Que je serve de passe-temps.

6. Je suis resté muet dans ma douleur,
Bouche close au jour du malheur,
Car cʼest de Toi que me vient tout ceci.
Tu peux me délivrer aussi,
Epargne-moi ; je sens fondre mon coeur
Quand ta main frappe avec rigueur.

7. Si le péché tʼamène à le punir,
Lʼhomme au néant doit revenir.
On voit périr la beauté du pervers
Comme un habit rongé de vers.
Nous lʼavouons, tout homme en vérité
Nʼest quʼun souffle de vanité.

8. Entends mes cris, ma prière, Seigneur,
Et ne méprise pas mes pleurs.
Car émigrant, étranger tu me vois
Comme mes pères autrefois.
Jʼattends la pause, un moment pour souffler
Avant quʼil faille mʼen aller.

Psautier de Genève (1998)


Les Psaumes de David. Clément Marot. Adaptation en français actuel par Marc-François Gonin. ISBN 2-911069-29-3. Éditions VIDA. 1998. Reproduit avec permission.